La culture : un nouvel enjeu urbain ?
En 2013, la ville de Marseille et le territoire provençal alentour, deviennent pour un an « capitale européenne de la culture ». L’opération, créée en 1985 par le conseil des ministres de l’union européenne pour magnifier un haut lieu de la culture légitime, est devenue depuis 2005 un catalyseur des transformations d’un espace urbain en difficultés. Dans ce cadre, Marseille – ville multiple, où se mêlent des populations d’origines diverses, sur les marges méditerranéennes de l’Europe – se métamorphose en un précieux laboratoire pour les études urbaines dès lors que l’on soumet à enquête cette vaste aire métropolitaine. Les divers outils à la disposition d’une capitale culturelle feront l’objet d’analyse et d’observation, pour tenter de mettre en évidence comment la culture, sous ses formes multiples et variées, est devenue depuis plusieurs décennies un enjeu fondamental des dynamiques urbaines, voire plus largement un accélérateur différentiel des mutations d’un territoire. Il s’agira également de proposer de nouveaux cadres d’analyse pour rendre intelligibles les mutations – allant des formes inédites du rapport politique à la culture, aux réceptions ordinaires des ressources qu’elle offre, en passant par les rapports renouvelés aux territoires des institutions culturelles qui y sont implantées – dont ne rendent pas compte aujourd’hui les discours communs sur la culture. Outil de politique urbaine et territoriale, la « capitale européenne de la culture » – forme paroxystique des cultures urbaines contemporaines – affecte également les formes de gouvernance locale dès lors que les relations entre une société et ses territoires sont mobilisées et transformées par la mise en œuvre d’un événement culturel, mais aussi politique et économique, au format inhabituel.
Installée au cœur historique de Marseille, dans l’ancien hôpital de la Charité devenu depuis les années 1980 un centre interdisciplinaire, l’école d’été se déroulera en pleine année européenne de la culture. En partie itinérante, elle s’installera dans quelques uns des lieux moteurs de l’« événement » (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, Musée d’Histoire de Marseille, Théâtre national de la Criée, Espace-Julien, Friche de la Belle de Mai, cinéma de l’Alhambra, théâtre du Centaure…) – qu’ils soient centraux ou plus périphériques. Lieu d’expérimentations multiples, Marseille-Provence capitale européenne de la culture deviendra alors sous le regard des sciences sociales un observatoire privilégié de la production de la société de demain, par le jeu de spatialité aux échelles diverses, locale, nationale, méditerranéenne, européenne, voire au delà.
Appuyée sur une leçon inaugurale consacrée à la question complexe des relations entre pratiques culturelles et monde marchand, l’école d’été de l’EHESS propose, dans l’esprit qui est le sien, une véritable formation pluridisciplinaire qui associe séminaires de recherche et mise à l’épreuve des apports de l’enseignement par des travaux de terrains (rencontres, visites d’institutions et de lieux de culture, observation des espaces urbains, expérimentations artistiques). Les résultats du travail d’enquête seront mis en forme dans un carnet de recherche numérique conçu pour l’école d’été et installé sur la plate-forme numérique « Hypothèses.org ». Organisées sous la forme ouverte et dialogique des séminaires de l’EHESS, les dix étapes de ce parcours mêlant analyses et observations participantes aboutiront à une table ronde qui en fera la synthèse.